Derrière la Haine** Barbara Abel (Pocket, 243 p)
Un huis-clos efficace desservi par un style un peu trop simpliste.
L’idée conductrice de l’histoire aurait pu amener ce livre à la hauteur des grands romans si les personnages, leurs relations et la conclusion avaient été mieux développés.
Idéal pour une lecture « frisson » un soir. Déception de ne pas voir plus souvent réunis l’originalité des idées et l’élégance de style.
Nœuds et dénouements*, Annie Proulx (éd.Grasset 476p)
Le charme indéniable du héros, homme brisé se reconstruisant pas à pas sur la terre de ses ancêtres, ainsi que les belles descriptions de l’ambiance de Terre-Neuve n’ont pas suffit à contrebalancer les nombreuses longueurs du récit. Météo, repas et conversations sont décrits avec un si grand luxe de détails que l’on a le sentiment d’assister aux événements en temps réel ; jusqu’à ce qu’une soudaine ellipse du récit nous entraîne un peu plus loin.
La réflexion sous-jacente sur l’opposition entre mode de vie à l’ancienne et modernité forme un des points intéressants du livre, cependant le dénouement m’a semblé bien trop long à atteindre. Réservé aux (bons) lecteurs plus amateurs d’ambiance que de rythme.
Mississippi****, Hillary Jordan (éd. 10/18, 361 p)
Cette magnifique chronique familiale portée par six voix d’hommes et de femmes, de blancs et de noirs, est une symphonie maîtrisée de bout en bout. Mississipi des années 40, retour des héros de guerre. Pourront-ils réintégrer cette terre âpre et boueuse, elle, qui possède et absorbe les hommes aussi sûrement que la mer ?
Des personnages denses et crédibles, un style fluide, un récit puissant, que dire d’autre ? L’équilibre de l'histoire aurait frisé la perfection si le grand-père avait eu une petite voix au chapitre.
A découvrir.
Récits cruels et sanglants durant la guerre des trois Henri*, Jean D’Aillon (J’ai Lu, 473 p)
La reconstitution historique trop appliquée ôte à ces récits leur naturel. Ajoutez-y des enquêteurs aux personnalités très ternes et vous comprendrez pourquoi ces intrigues m’ont parfois fait bailler.
Dommage car par ailleurs il est intéressant de découvrir la période de La Ligue sous une nouvelle facette.
N’est pas Robert Merle qui veut….
Alabama Song**, Gilles Leroy (éd. Mercure de France, 189 p)
Le style d’écriture atypique de Gilles Leroy se prête parfaitement à la découverte de la personnalité tumultueuse de Zelda, femme exubérante, insouciante, épouse et muse de Scott Fitzgerald.
« L'amour, je l'ai connu sur la plage de Fréjus. L'amour pour moi, ça n'a duré qu'un mois et ce mois remplit ma vie. »
Drame d’une artiste qui cherche sa voie à l’ombre de la réussite exceptionnelle de son mari, spoliée d’une partie de ses œuvres, privée de sa liberté. Drame surtout d’un mariage en complète faillite, qui va amener Zelda au bord de la folie.
« Personne ne sait comment on a pu s'aimer au départ ni comment on s'est supportés toutes ces années. Au départ, je me foutais de lui, à la fin il se foutait de moi. »
Ce roman, écrit comme un journal intime, réussit le pari de nous attacher à cette personnalité hors normes et donne envie découvrir plus en détails l’œuvre de ces deux artistes. Pourtant on reste légèrement à distance de ce texte construit comme un procès à charge contre Scott, son mari :
« J'ai épousé une poupée mâle et blonde pas capable de bander ».
Le rappel final de l’auteur qui nous demande d’abandonner toute référence à des faits historiques laisse une impression mitigée. Quelle est la part de vérité et d’inventions ? S’est-on fait embarquer à tort dans une histoire que l’on supposait biographique et qui finalement serait issue de l’imagination de l’écrivain ?
Goncourt mineur (comme tant d’autres), ce joli petit livre fera passer un bon moment à ceux qui ne sont pas des fins connaisseurs de cette période.
Le rose et le Lys** (Michel Faber, éd. de L’Olivier, 1142 pages)
C’est avec beaucoup de plaisir que je me suis plongée dans l’ambiance londonienne de la fin XIXème, déjà explorée avec les deux ouvrages ci-dessous.
La morale anglaise a malheureusement bien peu évolué ; si ces trois livres apportent un éclairage différent sur la place de la femme et de la vertu dans l’époque, leurs conclusions convergent. Malheur à celle qui a failli, et qui en cherchant à s’élever ou à plaire, tombe sous le coup de la morale masculine dominante, étrange ambivalence entre quête du plaisir et déconsidération accordée à celles qui l’ont apporté.
Dans ce pays en pleine digestion d’une révolution industrielle qui n’a apporté la prospérité qu’à une petite élite, dans cette ville aux quartiers ouvriers sales, surpeuplés, où certaines femmes préfèrent la prostitution aux cadences infernales de l’usine, apparaissent les prémices du XXème siècle. Les inégalités intenables entre classes sociale, entre hommes et femmes, ont déjà fait émerger les idées révolutionnaires de Karl Marx et on devine les prémices de l’émancipation féminine, appuyée par la démocratisation du travail féminin.
L’histoire de Sugar, jeune prostituée déterminée à se frayer un chemin dans la société anglaise, illustre parfaitement cet ordre social injuste et moralisateur. Son parcours se lit d’une traite malgré ses 1100 pages et on quitte le livre en regrettant de ne pas pouvoir connaître la suite. Cependant, des trois titres, celui-ci est certainement le plus axé « lecture féminine » et ne plaira pas à tous les lecteurs. La méthode de l’auteur qui consiste à s’adresser directement au lecteur peut dérouter également au début de l’ouvrage.
Découverte de Londres au XVIIIème
L’innocence**, .Tracy Chevalier (Ed. Table ronde 400 p)
Le scandale de la saison*** Sophie Gee (Ed. Philippe Rey 336 p)
Deux livres lents mais plaisants pour une balade dans le Londres du XVIIIème et une rencontre avec deux auteurs majeurs, William Blake pour le premier, Alexander Pope pour le second.
L’innocence nous fait découvrir le Londres populaire de la fin du siècle, ville secouée par les soubresauts de la Révolution Française.
Le scandale de la saison se situe dans le Londres mondain de 1710/1711. Le roman s’inspire du micro-scandale à l’origine du poème satirique d’Alexander Pope « La boucle dérobée ».
Ces deux livres se ressemblent : écriture déliée, étude poussée des personnages, et lenteur de la mise en place des intrigues. Ma préférence va au « Scandale de la saison ». De Tracy Chevalier, je préfère nettement « La jeune fille à la perle », étude de la gestation d’un tableau de Veermer.
Il pleuvait des oiseaux*, Jocelyne Saucier (éd. Denoël, 202 p)
En enquêtant sur les Grands Feux qui ont ravagé le nord de l’Ontario au début du XXème siècle une journaliste découvre une petite communauté retirée dans les bois.
Du charme et de l’élégance dans ce récit qui pourrait ressembler à une bluette s’il n’abordait des thématiques difficiles. La vieillesse et la mort se vivent sans angoisse au sein de cette nature sauvage, acceptées par ces personnages atypiques qui ont préféré fuir la civilisation et l’aliénation de l’assistanat.
Une lecture rapide, facile et plutôt réconfortante.
Féroces* Robert Goolrick (Pocket, 247p)
Le choix de dévoiler dans la dernière partie l’événement qui a fait basculer sa vie amène l’auteur à construire l’ensemble de l’histoire sur un non-dit.
Dans ses souffrances d’adulte, dans la relation ambigüe entretenue avec ses parents, on devine que sa hargne et sa tristesse ont une vraie cause. En attendant, je me suis ennuyée dans ces petites scénettes sensées expliquer son malaise puisqu’il ne décrit au final qu’une famille ordinaire de la middle class américaine des années 50. Mère au foyer qui s’ennuie, père enseignant, cocktails, robes de soirée, alcool un peu trop présent, fort souci des apparences. Les psychodrames, tels l’absence de vélo ou la robe trouée de sa mère sont tombées à plat, mettant surtout en lumière l’immaturité du narrateur.
Bien sûr, la révélation éveille une compassion sincère, mais comment ne pas s’interroger sur tout ce fartas, sur les incohérences du récit accentuées par des oublis ? Peux-t-on faire porter à cet événement la responsabilité complète du ratage de sa vie d’adulte, après un tiers de livre passé à décrire une enfance plutôt heureuse ? Sa mère, alcoolisée, a-t-elle véritablement compris la scène avec l’obscurité ? Pourquoi n’a-t-il jamais réussi à avoir une conversation une fois adulte avec elle ?
Trop de questions sans réponse et une construction de récit inappropriée gâche de mon point de vue le propos de ce livre, qui a pourtant le mérite de parler d’un sujet difficile et insuffisamment abordé.
Création d'une rubrique jeunesse pour les jeunes lecteurs (7/10 ans)....
....ou comment leur faire aimer la lecture.