American darling**, Russell Banks (Actes sud, 500 p)
Extrait: « Quand on garde autant de choses secrètes aussi longtemps que je l’ai fait, on finit par se les cacher aussi à soi-même. C’était donc là que le rêve était allé, à l’endroit même où j’avais enfoui mes souvenirs oubliés du Libéria et des années qui m’y avaient conduite. Comme s’il s’agissait du secret de quelqu’un d’autre et que j’étais celle qui, plus que quiconque, ne devait pas en être informé.»
C’est un bon roman, intéressant. Le retour de cette ancienne militante sur sa vie permet de découvrir l’histoire d’un pays atypique : le Libéria, terre dérobée par les Américains au début du XIXe siècle pour y installer leurs anciens esclaves et débarrasser le sol américain de sa population noire. Projet délirant dont les répercussions, encore présentes dans ce pays au bord du gouffre, servent de toile de fond à l’intrigue.
Le défaut : difficile d’accrocher à la personnalité de l’héroïne. Mais l’intérêt de l’œuvre tient à son auteur : Russell Banks est un excellent romancier, capable de donner une grande profondeur aux histoires. J’ai lu également « De beaux lendemains », que j’ai préféré, petit village américain qui doit se reconstruire après l’accident d’un bus scolaire. Je n’ai pas pu lâcher le livre, sans comprendre comment l’auteur réussit trente pages de description d’un ramassage scolaire sans jamais lasser. La justesse de ses personnages féminins m’a longtemps fait croire que Russell Banks était une femme.
On pourrait résumer en quelques lignes les intrigues assez simples de ses deux livres, sans réussir à retranscrire l’intérêt qu’ils éveillent, et c’est certainement là que se trouve le grand talent de ce romancier. « L’humain » est au cœur des ces deux romans : leurs relations, leurs quêtes, leurs choix, leurs peurs. Auteur à lire, ne serait-ce que pour découvrir un écrivain majeur.